Télérama le 25 juin 2020 Le Libraire
Livre pour ados : “Le Libraire de Cologne”, le poignant combat d’un jeune homme pendant la terreur nazie
Michel Abescat.
Telerama 25 juin 2020
Hans est brusquement chargé de reprendre la librairie de son patron, contraint à l’exil par les lois antisémites. Et résiste, vaille que vaille, pour la maintenir ouverte. Inspirée d’une histoire vraie, “Le Libraire de Cologne”, roman de Catherine Ganz-Muller, est une puissante ode à l’humanisme. À partir de 13 ans.
On est à la limite du document. Catherine Ganz-Muller s’est inspirée du témoignage de Hans Schmitt, libraire à Cologne pendant la terreur nazie, et nombre de ses personnages sont proches de personnes réelles. Tous les événements relatés sont historiquement exacts. Et le texte, formellement très classique, vise la précision, la simplicité, sans effet ni fioriture.
Catherine Ganz-Muller raconte ainsi la période nazie à travers le regard d’un libraire de Cologne, de la Saint-Sylvestre 1933, quand Hitler et le NSDAP ont tout le pouvoir en main, jusqu’à l’effondrement du régime, en 1945. Elle fait suivre son roman d’un glossaire et d’une chronologie avec une évidente intention pédagogique.
Un texte vibrant
Mais Le libraire de Cologne est bien un roman, l’autrice se met dans la peau de son héros, au plus près de lui, imagine ses sentiments, et le texte vibre, prend chair et consistance. Elle recrée le quotidien de ce tout jeune homme brusquement chargé de poursuivre l’œuvre de son patron, un libraire juif contraint à l’exil par les lois antisémites. Tous les jours, Hans résiste pour maintenir l’établissement, servir vaille que vaille les clients de moins en moins nombreux, subir les contrôles et les convocations de la Gestapo, la violence des attaques contre les magasins soupçonnés d’être juifs, et, plus tard, les bombardements incessants.
Destruction d’une librairie juive à Berlin lors du pogrom contre les Juifs dans toute l’Allemagne nazie du 9 au 10 novembre 1938, exécuté par les forces paramilitaires SA et les civils allemands.
© akg-images
Au-delà de cette histoire individuelle, bouleversante, c’est le quotidien d’une ville allemande sous le nazisme et la trajectoire de son naufrage que raconte le roman. Une ville emportée par le souffle d’une idéologie monstrueuse, avant de finir en ruines. Au bout du compte, la librairie survit, elle existe, aujourd’hui encore, à Cologne. Le livre a triomphé, porteur de savoir et de liberté. Et Catherine Ganz-Muller a choisi pour exergue cette phrase de Hannah Arendt : « S’il cesse de penser, chaque être humain peut agir en barbare. »